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Interview d'Antoine Frérot

Antoine Frérot, Président-directeur général de Veolia

Antoine Frérot
Président-directeur général de Veolia


 

2017 a été marquée par un net retour de la croissance.
Notre chiffre d’affaires a progressé de 4,9% à change constant pour s’établir à 25,1Mds€.

 

L'année 2017 était la deuxième année du plan de développement de Veolia. Qu’en ressort-il ?

Antoine Frérot : Une année intense et réussie, une puissante relance commerciale, une croissance solide et profitable, des résultats supérieurs aux objectifs que nous nous étions fixés : c’est ainsi que l’on pourrait résumer l’exercice 2017.
Avant tout, l’année 2017 a été marquée par un net retour de la croissance, puisque notre chiffre d’affaires a progressé de 4,9% à change constant pour s’établir à 25,1 milliards d’euros. Veolia était très attendu sur ce thème et a démontré que ses efforts de développement et de renouvellement de ses offres, conjugués à la mobilisation de moyens commerciaux supplémentaires, ont porté des fruits concrets.

Nos zones de plus forte croissance ont été l’Amérique latine, l’Asie, l’Amérique du Nord, l’Europe centrale et orientale. Mais dans toutes les régions où Veolia est implanté, nous avons effectué de magnifiques conquêtes, auprès des industriels ou des municipalités, sur nos marchés traditionnels ou sur les nouvelles frontières des métiers de l’environnement. Elles s’inscrivent dans notre stratégie de développement ciblé sur les marchés porteurs, de création de nouveaux relais de croissance, et de rééquilibrage sectoriel et géographique de notre portefeuille contractuel.

 

Comment se traduisent les actions menées en 2017 dans les comptes annuels ?

A. F. : Par des résultats satisfaisants! Les grands indicateurs financiers expriment le renforcement de nos performances opérationnelles, l’amélioration de notre rentabilité, la maîtrise de notre endettement et le bon usage des capitaux employés. Notre EBITDA s’est élevé à 3,3 milliards d’euros, soit une progression de 2,7% à change constant.
Le résultat net courant part du Groupe, de 623 millions d’euros, a augmenté de 6,1% à change constant. Nos économies de coûts, de 255 millions d’euros, sont en phase avec l’objectif que nous nous étions assigné.
Ces résultats sont d’autant plus appréciables qu’au début 2017, l’environnement économique était peu propice à nos activités. Les difficultés initiales ont été rapidement circonscrites puis compensées, signe de la vitalité de notre Groupe et de sa réactivité.
De plus, notre croissance s’est effectuée à capitaux engagés constants et à endettement stable. Sans conteste, l’année 2017 est un bon millésime !
 

Quelles sont les perspectives de Veolia pour 2018 et 2019 ?

A. F. : Elles apparaissent globalement favorables et nous avons confirmé tous les engagements pris par notre Groupe. L'année 2017 nous a en effet placés en conditions optimales pour atteindre nos objectifs 2018. Je vous les rappelle : assurer une croissance soutenue de notre chiffre d’affaires, dégager 300 millions d’euros d’économies de coûts et faire progresser notre EBITDA à un rythme supérieur à celui de l’an passé. Pour 2019, nous visons un EBITDA compris entre 3,5 et 3,7 milliards d’euros.

En pratique, nous allons continuer sur notre lancée, en déclinant, avec pragmatisme et détermination, notre plan de développement. Celui-ci s’articule autour d’une double dynamique. D’un côté, une dynamique de croissance organique complétée d’acquisitions, de petite ou moyenne taille, soigneusement sélectionnées. L’an passé, 70% de la progression de notre chiffre d’affaires provenaient de la croissance interne et 30% d’acquisitions externes. D’autre part, une dynamique d’efficacité, qui s’appuie sur nos programmes d’amélioration des performances opérationnelles et de maîtrise des coûts.
Ces programmes seront de nouveau utiles pour conjurer certains vents contraires qui ne manqueront pas de survenir au cours de l’année. Si 2017 fut une année de transition, 2018 sera une année de confirmation : confirmation
de notre croissance, de notre rentabilité, de nos innovations. C’est donc une année importante, puisqu’elle permettra de sécuriser et pérenniser la trajectoire vertueuse sur laquelle notre Groupe évolue désormais. 

Peu de métiers sont, comme les nôtres, inscrits au cœur des mutations profondes des villes et des entreprises.

 

Comment Veolia tire-t-il parti de la variété de ses savoir-faire et du foisonnement des nouvelles technologies ?

A. F. : Au carrefour de trois activités, l’eau, les déchets et l’énergie, chacune déterminante pour l’avenir des villes et des industries, notre Groupe bénéficie d’un positionnement original et sans équivalent dont il s’efforce d’exploiter tout le potentiel. Notre stratégie consiste à panacher les compétences pour inventer de nouveaux services à forte valeur ajoutée et accentuer notre avance sur nos concurrents, qui ne peuvent pas jouer sur un registre d’expertise aussi étendu que le nôtre.
Un succès emblématique de ces interconnexions entre différents métiers est celui de la société Birdz, qui marie nos savoir-faire traditionnels aux technologies des télécommunications et de l’informatique les plus avancées. Créée initialement pour industrialiser le télérelevé des compteurs d’eau, cette filiale s’est hissée, en quelques années seulement, au rang de leader français de l’Internet des objets connectés pour les réseaux urbains, l’efficacité énergétique des bâtiments et la ville... Aujourd’hui, avec plus de 10 millions d’objets connectés dans le monde, dont 4 millions en France, Veolia s’impose comme un acteur majeur de l’IoT environnemental.

Nos clients attendent que nous soyons près d’eux, localement, mais aussi que nous apportions à Toulouse, Mexico ou Dubai, l’innovation qui est née à Prague, Shanghai ou New York. C’est pourquoi nous cherchons à déployer nos progrès techniques partout où nous sommes présents, dès lors qu’ils répondent à une demande réelle et solvable. Nous cultivons les atouts que constituent la diversité de nos implantations géographiques et notre immense base d’expérience technique pour créer les services de l’environnement de demain.

 

Le marché du recyclage des plastiques est en rapide évolution.
Quelles sont les ambitions de Veolia sur celui-ci ?

A. F. : D’ici à 2050, la production de plastiques devrait quadrupler dans le monde. Dans ce contexte, et alors que le taux de recyclage plafonne aujourd’hui à 9% à l’échelle planétaire, l’ambition de Veolia est de structurer une filière mondiale de recyclage et de valorisation des plastiques, pour offrir une alternative crédible au plastique vierge. Notre Groupe prévoit de quintupler son chiffre d’affaires dans cette activité d’ici à 2025, pour atteindre 1 milliard d’euros. La conjoncture est propice au recyclage de ce matériau : en France, le gouvernement vient d’imposer que 100% du plastique utilisé soit recyclé à partir de 2025. De même, la récente décision de la Chine de restreindre ses importations de déchets crée des opportunités pour Veolia, aussi bien dans ce pays, afin d’y développer le marché intérieur du recyclage, qu’en Europe, pour y relocaliser une partie de l’industrie de transformation des plastiques usagés,
qui étaient auparavant exportés en Asie.

Recyclage des plastiques, des batteries, des métaux précieux contenus dans les ordinateurs... notre Groupe explore méthodiquement le marché de la conversion des déchets en ressources et se positionne de manière ciblée sur les filières les plus rentables et sur lesquelles ses savoir-faire lui donnent de prendre l’ascendant dans la compétition économique.
 

Au cours des dernières années, Veolia s’est lancé dans une série de nouvelles activités. Pourquoi cela ?

A. F. : Ne voyez rien de surprenant à cette politique systématique d’enrichissement de nos expertises ! C’est ainsi que notre Groupe a toujours procédé pour élargir sa gamme d’offres. Regardez ce que nous avons réalisé dans le traitement des déchets industriels toxiques. C’est une activité à forte intensité technique que nous avons initiée il y a 40 ans et dont nous sommes aujourd’hui le leader mondial. Toutes proportions gardées, nous souhaitons refaire, avec le démantèlement des installations en fin de vie, le traitement des déchets faiblement radioactifs, le recyclage des terres rares, la qualité de l’air... ce que nous avons réussi dans le traitement des déchets toxiques industriels. Nos métiers s’inscrivent dans des cycles courant sur plusieurs décennies. Aujourd’hui, nous semons des activités qui parviendront à maturité dans 10 ou 20 ans. Tous nos succès, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’hier, résultent d’un investissement dans la longue durée.
 

2018 sera une année de confirmation.
Confirmation de notre croissance, de notre rentabilité, de nos innovations.

Quelles autres innovations poursuit Veolia pour renouveler à long terme ses métiers ?

A. F. : L’agriculture est probablement le plus original des domaines où nous nous préparons à apporter des solutions. Étonnant à première vue, ce choix est néanmoins très rationnel, car c’est un secteur où s’entrecroisent nos trois domaines d’excellence, l’eau, les déchets et l’énergie, et où la demande explose. Si l’on se projette à l’horizon 2040, un des défis majeurs de l’humanité sera de produire suffisamment de nourriture pour alimenter 9 milliards d’individus, alors que les ressources en sols, en eau et en énergie se raréfient. Comment y faire face ?

Nos pratiques actuelles nous apportent des éléments de réponse intéressants.
En effet, nous aidons déjà le secteur agricole à utiliser plus efficacement ses ressources et accroître ses rendements culturaux : nous produisons des engrais alternatifs à partir de déchets organiques dans le Nord-Pas-de-Calais ou de boues d’épuration aux États-Unis, nous recyclons les eaux usées afin d’irriguer des cultures vivrières à Abu Dhabi ou dans le Queensland en Australie, nous produisons de l’énergie verte pour l’aquaculture à Hamamatsu au Japon ou pour chauffer des serres à Lapouyade en France, nous réduisons l’empreinte environnementale des usines agroalimentaires de Danone.
Mais nous comptons aller plus loin ! Actuellement, nous innovons pour développer une filière agricole urbaine. À Bruxelles, nous nous sommes associés à la start-up BIGH pour exploiter des fermes urbaines aquaponiques. Acteur de la cité, Veolia fournit à celle-ci des services essentiels, produit des ressources alternatives issues des déchets municipaux et gère les chaînes énergétiques urbaines. Combiner ces expertises pour soutenir le développement d’une filière agricole au sein même des villes est pour nous une évolution naturelle.

Depuis toujours, notre Groupe possède une culture d’intégrateur, multipliant les passerelles entre savoir-faire et entre secteurs d’activité. Cela s’avère indispensable pour aider nos clients à relever les défis du XXIe siècle et créer les filières d’excellence, à haute valeur ajoutée, qui demain prolongeront la croissance de Veolia. C’est le rôle d’un Groupe leader mondial que d’assumer le risque de la nouveauté, et nous sommes fiers de défricher ainsi l’avenir !