Conférence de l'Institut Veolia : “Innover pour les services essentiels en Afrique”

L’Afrique représente plus de 15 % de la population mondiale. Ce continent connaît la plus forte croissance démographique urbaine au monde. D’où un foisonnement inédit d’innovations locales pour relever le défi des services essentiels : eau, assainissement, gestion des déchets et énergie. L’impact de ces innovations dépendra de leur diffusion à grande échelle. Alors comment changer d'échelle ? L’Institut Veolia apporte son éclairage dans une conférence en ligne organisée le 12 février au siège du Groupe à Aubervilliers, sur le thème du dernier numéro de sa revue Facts Reports : “Eau, déchets, énergie : quel avenir pour les services essentiels en Afrique ?”. Quatre intervenants ont abordé ces questions : Fadel Ndaw, spécialiste Eau et Assainissement de la Banque Mondiale ; Haweya Mohamed, co-fondatrice d’Afrobytes ; Max Cuvellier, directeur de Mobile 4 Development chez GSMA ; Christophe Maquet, directeur de la zone Afrique et Moyen-Orient de Veolia.

 

L'Afrique, terre d’innovations

En Afrique, les services formels s’adaptent. Par exemple avec des politiques de branchements sociaux originales ou en recyclant les eaux usées pour combattre la rareté de l’eau. Les services informels se métamorphosent en modèles économiques pérennes.  

 

 L'Afrique est riche des talents de sa population, et de sa capacité à créer tous les services nécessaires à la vie quotidienne, avec des solutions variées dans l’économie formelle ou informelle. Le formel n’a pas le monopole de la rationalité économique et sociale. Toutefois, l’accès de tous aux services essentiels repose sur la combinaison efficace des solutions individuelles et collectives, du low-cost et du high-cost. L’avenir de l’Afrique dépendra de ses innovations et de leur diffusion à grande échelle, grâce à des systèmes de gouvernance et de financements adaptés, a introduit Nicolas Renard.

Les défis de l'accès à l’eau potable pour tous

Fadel Ndaw a rappelé en visioconférence depuis Le Caire, que seuls 24% des africains ont un accès à l'eau potable conforme à l'ODD 6 de l'agenda 2030. Et pour atteindre cet objectif, des investissements de 10 à 15 Md$ par an sont nécessaires.
Trois défis sont à relever : des services d'eau potable gérés en toute sécurité, la viabilité économique des sociétés qui les fournissent, et le défi de tirer partie des nouvelles technologies. 
Par exemple, une bonne gouvernance des données améliorerait la connaissance des besoins des populations vulnérables, ou permettrait un relevé par les individus de leur propre consommation pour l'adapter en temps réel à leur revenu. 

 

Face à l’urgence liée à la Covid-19, les fournisseurs d’eau ont dû continuer à fournir de l’eau potable aux populations les plus vulnérables pour le lavage des mains. En l’absence d’une adaptation des sociétés d’eau au nouveau contexte par des stratégies d’anticipation innovantes, la crise sanitaire actuelle et celles à venir risquent de compromettre la viabilité à long terme du secteur , a-t-il souligné.

Course poursuite entre croissance démographique et innovations

Stress hydrique, explosion démographique, changement climatique, de nombreux pays d’Afrique peinent à satisfaire les besoins en eau potable de leurs habitants. L'eau est un sujet transverse : santé, hygiène, éducation, alimentation. Aujourd'hui pour faire face à la crise de la Covid-19 , les pays africains ont fait preuve de résilience en innovant : le Maroc et le Sénégal ont fourni des masques, des respirateurs, des tests à bas prix et la jeunesse africaine s'est mobilisée pour produire du gel hydroalcoolique.

 

Depuis 20 ans, tout a changé. Désormais la société civile s'engage. Avec elle nous co-construisons des innovations technologiques et organisationnelles mais aussi sociales et sociétales. Et c'est à long terme que nous créons une relation de confiance avec l’ensemble des parties prenantes. Pour Veolia, l'innovation doit notamment être au service de la ville inclusive, c'est-à-dire une ville dans laquelle aucune catégorie d’habitants n’est exclue du développement urbain. Dans deux tiers lieux à Niamey et à Durban, Veolia favorise l'entrepreneuriat des femmes et l'économie circulaire. Et pour consommer moins de ressources, le Groupe retraite des eaux usées pour irriguer des espaces verts au Maroc, ou pour fournir l'eau potable à 300 000 habitants de Windhoek en Namibie. C'est en tirant partie de toutes ces innovations que nous pourrons opérer une transformation écologique et relever le défi du changement climatique qui frappe de plein fouet ce continent, a expliqué Christophe Maquet.

L’Afrique, désormais « Mobile first continent »

   Entre 2016 et 2019, sur le continent africain, le nombre de “tech hub” est passé de 314 à 618. Grâce aux data, les start-up ont pris la main sur les problématiques des déchets (gestion des déchets ménagers, recyclage des plastiques). Par exemple, en Afrique du sud, en Egypte et au Kenya, 3 start-up Rethaka, Reform et Gjenge, à l'initiative de femmes, fabriquent des cartables, des accessoires de mode et des briques de pavage à partir de plastiques recyclés. Ces innovatrices participent activement à la croissance économique du continent. Par ailleurs, des “Mégas App” rendent accessibles aux plus défavorisés de nombreux services de paiement sur mobile. On parle désormais de « Mobile first continent», a affirmé Haweya Mohamed.

 

Il faut développer l'inclusivité des technologies du téléphone mobile

Deux tiers des populations urbaines en Afrique vivent dans des zones informelles qui sont totalement couvertes en 3G. Il y a déjà 500 millions de comptes de paiement mobile. Par exemple, pour l’eau potable : grâce à un compteur intelligent, l’usager recharge son compte de consommation sur son mobile. Même principe pour l'énergie solaire au Nigeria où la demande d'électricité hors réseau est la plus forte. Pour l’assainissement : à Kampala (Ouganda), une application permet d'améliorer le service de collecte des boues. Et pour le recyclage des déchets plastiques : avec l'entreprise Coliba en Côte d’Ivoire, toute personne qui ramasse des bouteilles plastiques reçoit en échange des points sur son smartphone.

 Mais pour déployer ces innovations à grande échelle, il faut : une disponibilité des financements dès le début des projets, des talents et des réseaux inclusifs de compétences, des modèles économiques viables dès la phase initiale, des collaborations multiples avec des grandes entreprises, des municipalités, des bailleurs de fonds, des ONG, a expliqué Max Cuvellier.

 

Les chiffres des services essentiels en Afrique à l’horizon 2030

 

L’Afrique représente plus de 15 % de la population mondiale (contre 7 % en 1960), dont 60 % à moins de 25 ans et 80 % vit avec moins de 5 dollars par jour. 

  • 1,5 milliard de citadins sur le continent en 2050 
  • Une amélioration de l'accès à l'eau sur les 20 dernières années en Afrique 
  • Des avancées plus lentes en matière d'assainissement 
  • Des progrès en matière d'accès à l'énergie grâce aux innovations hors réseaux 
  • La gestion des déchets, un axe de progrès pour les années à venir 
  • Des écosystèmes d'innovation en forte croissance sur le continent : 618 hubs technologiques actifs

La revue Facts Reports n°22 décrit les innovations en Afrique sur 3 axes :

L'importance des services essentiels à horizon 2030 ; la cartographie des innovations prometteuses, leur gouvernance, les collaborations avec le secteur informel et l’économie circulaire ; les leviers de déploiement, l’implication des usagers et les coalitions d’acteurs innovantes. 

En avant-propos de la revue, Mamphela Ramphele - co-fondatrice de l’initiative ReimagineSA, co-présidente du Club de Rome, membre du Comité de prospective de l’Institut Veolia - rappelle que

 Nous devons imaginer la ville africaine du XXIe siècle accueillant des services essentiels innovants et durables. Il faut  aussi instaurer une harmonie entre les installations humaines et les écosystèmes sensibles, pour le bien-être des populations locales. Selon le proverbe shona « ceux qui portent les habits des autres restent nus », il est grand temps que l’Afrique réinvente ses villes par elle-même. 

>Retrouvez la totalité des articles de Facts Reports n°22 sur “Eau, déchets, énergie : quel avenir pour les services essentiels en Afrique ?”, réalisé en partenariat avec le cabinet de conseil Archipel&Co.