Temps de lecture 8 min. #eau #ville #collectivité #industriel

Arnaud Valleteau de Moulliac
Directeur général ingénierie et grands projets pour les activités de technologies de l’eau, Veolia
Je rencontre régulièrement des élus et décideurs confrontés à une réalité préoccupante : le stress hydrique touche aujourd'hui plus de 2 milliards de personnes dans le monde. Qu'il s'agisse des sécheresses récurrentes au Maroc et en Espagne, ou des défis d'approvisionnement en eau potable dans les métropoles côtières, la pénurie d'eau devient un enjeu majeur de nos territoires. Pour faire face à ce défi, il existe un panel de solutions efficaces se complétant en fonction des enjeux territoriaux : sensibilisation à la rareté de l'eau et réduction des consommations d'eau, lutte contre les pertes en eaux sur les réseaux (fuites), réutilisation des eaux usées, et dernière brique stratégique, le dessalement d'eau de mer à proximité des côtes, longtemps perçue comme une solution coûteuse et énergivore. Mais, bonne nouvelle : les innovations technologiques ont révolutionné cette approche, la transformant en une alternative viable et durable.
Dans cet article, je vous explique comment le dessalement transforme cette contrainte en opportunité durable, avec des coûts divisés par cinq et un impact environnemental considérablement réduit.

L’essentiel à retenir
Le stress hydrique concerne 80 % de la population mondiale vivant à proximité des mers. Bonne nouvelle : grâce aux récentes avancées technologiques, le dessalement peut en grande partie répondre à ce défi.
Les technologies modernes ont divisé par cinq la consommation énergétique par rapport aux premières générations d'installations
L'osmose inverse nouvelle génération permet aujourd'hui de produire de l'eau potable à des coûts compétitifs
L'impact environnemental est désormais maîtrisé grâce aux innovations en matière de gestion des saumures et d'efficacité énergétique
Découvrez comment ces avancées technologiques peuvent transformer votre approche de la sécurité hydrique, que vous soyez responsable d'une ville côtière ou d'une région en stress hydrique.
L’eau douce, un défi vital pour les villes côtières en situation de stress hydrique
Le stress hydrique, de quoi s’agit-il exactement ? C’est la situation où la demande en eau dépasse les ressources disponibles dans une région donnée. Cette définition simple cache une réalité complexe qui touche aujourd'hui de nombreux territoires.
Depuis plusieurs années, nous constatons sur le terrain une tension croissante autour de la ressource en eau. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 20 % des terres européennes et 30 % de la population du continent sont déjà touchés chaque année par le stress hydrique, et la situation ne fait qu’empirer sous l’effet du dérèglement climatique. Les épisodes de sécheresse se multiplient, les nappes phréatiques s’épuisent, et les conflits d’usage s’intensifient, notamment dans les zones littorales où la pression démographique et touristique est forte.
Cette situation s'explique par plusieurs facteurs convergents :
- L'augmentation démographique dans les zones côtières
- Le dérèglement climatique qui intensifie les épisodes de sécheresse
- La surexploitation des ressources en eau
- L'urbanisation croissante qui concentre les besoins
Pour vous, élus et décideurs locaux, la question n’est plus de savoir si la pénurie d’eau va survenir, mais quand et avec quelles conséquences pour la santé publique, l’économie locale et la cohésion sociale. Les solutions traditionnelles – captage en rivière, stockage en barrage, transfert interbassins – montrent leurs limites, tant en termes de disponibilité que d’acceptabilité environnementale. L’agriculture, l’industrie et les usages domestiques entrent en concurrence directe, nécessitant des arbitrages douloureux.
Prenons l’exemple du sud de l’Espagne : malgré des efforts considérables pour améliorer la performance des réseaux de distribution et recycler les eaux usées, la demande dépasse largement les capacités de renouvellement naturel de la ressource. Résultat, des restrictions d’usage sont imposées chaque été, impactant la vie quotidienne des habitants et la vitalité du tissu économique. Même constat en Australie, où les méga sécheresses récurrentes ont poussé les autorités à revoir en profondeur leur stratégie de gestion de l’eau.
Face à cette réalité, la tentation est grande de considérer le dessalement de l’eau de mer comme une solution de dernier recours, réservée aux situations extrêmes. Pourtant, les avancées technologiques récentes changent la donne : il devient possible d’intégrer le dessalement dans le mix hydrique de manière proactive, en complément des autres leviers (réduction des pertes, réutilisation des eaux usées, gestion intelligente de la demande).
L'évolution technologique du dessalement : de la contrainte à l'opportunité
Je me souviens des premières installations de dessalement que j'ai connues il y a quinze ans. L'impression était mitigée : certes, elles produisaient de l'eau potable, mais à quel prix énergétique et financier ! Aujourd'hui, la donne a complètement changé.
Loin des clichés du passé, le dessalement nouvelle génération s’impose aujourd’hui comme une réponse crédible et compétitive aux enjeux de sécurité hydrique. Grâce à l’innovation, cette technologie a franchi un cap décisif en matière de performance, de coût et de durabilité. Deux technologies dominent désormais le marché :
1. L'osmose inverse : la révolution de l’efficacité énergétique
L'osmose inverse représente aujourd'hui 70 % des nouvelles installations de dessalement de l’eau de mer dans le monde. Son principe est simple : sous haute pression, l’eau salée traverse une membrane semi-perméable qui retient les sels et impuretés. Les progrès réalisés ces dix dernières années sont spectaculaires : la consommation énergétique est passée de 4,5kWh/m³ à moins de 3 kWh/m³, grâce à l’optimisation des membranes, à la récupération d’énergie et à la digitalisation des procédés.
Les avancées récentes portent sur :
- Des membranes plus performantes et durables
- Des systèmes de récupération d'énergie par échangeurs de pression
- Une optimisation des prétraitements pour prolonger la durée de vie des équipements
- L'apport du digital et de l’IA pour mettre en œuvre une maintenance prédictive.

Focus sur le Barrel™ : une innovation au service de la flexibilité
Parmi les solutions que nous développons pour répondre aux besoins des collectivités et des industriels, le Barrel™ mérite une attention particulière. Cette technologie modulaire révolutionne l'approche du dessalement par osmose inverse. Ce module plug-and-play, compact et évolutif, permet de traiter de 400 à 50 000 m³/jour avec une empreinte au sol réduite de 25 % et une baisse de la consommation énergétique de 0,05 kWh/m³ par rapport aux systèmes classiques.
Le Barrel se distingue par :
- Sa modularité : adaptation facile aux besoins évolutifs
- Sa compacité : emprise au sol réduite de 25 % par rapport aux solutions traditionnelles
- Sa maintenance simplifiée : accès facilité aux équipements et pilotage digital
- Son efficacité énergétique : optimisation continue des performances
Cette approche répond parfaitement aux besoins des collectivités et industries qui cherchent des solutions évolutives et maîtrisées.
2. Le dessalement par distillation
La distillation, procédé ancestral de séparation de l'eau et du sel par évaporation, a bénéficié d'innovations majeures. La distillation, bien que plus énergivore, conserve sa pertinence dans certains contextes industriels, notamment pour des installations de plus petite taille, pour le traitement d’eaux très chargées ou dans des zones où l’énergie thermique est disponible à faible coût (valorisation de chaleur fatale industrielle, cogénération).
Impact environnemental : des progrès considérables
L'un des principaux freins historiques au dessalement concernait son impact environnemental. Les préoccupations portaient sur :
- La consommation énergétique élevée
- La gestion des saumures (eau très salée rejetée)
- L'impact sur la biodiversité marine
Aujourd'hui, ces défis sont largement maîtrisés grâce aux innovations.
Réduction de l'empreinte carbone
L'efficacité énergétique des nouvelles installations, couplée à l'intégration d'énergies renouvelables, permet de réduire drastiquement l'empreinte carbone. Certaines installations fonctionnent désormais entièrement à l'énergie solaire.
Gestion optimisée des saumures pour protéger la biodiversité marine
Pour limiter l’impact des rejets de saumure sur la biodiversité, des études d’impact environnemental sont conduites pour déterminer les dispositifs adéquats et les points de rejets - situés parfois à plusieurs kilomètres du rivage. Les nouvelles générations d’usines intègrent aujourd’hui des dispositifs de dilution et de dispersion contrôlée et seront équipées demain de dispositifs de valorisation des sous-produits (récupération de sels et minéraux), en s’appuyant sur la modélisation des courants marins et le suivi environnemental. L’objectif : garantir le respect des normes locales et la préservation des écosystèmes côtiers.
Coûts et rentabilité : l'équation économique transformée
La question du coût reste centrale dans vos décisions d'investissement. Les évolutions technologiques ont considérablement amélioré l'équation économique du dessalement.
L’intégration de capteurs intelligents, de plateformes de supervision à distance (Hubgrade) et d’algorithmes d’IA permet aujourd’hui d’optimiser en temps réel le fonctionnement des usines de dessalement. On anticipe ainsi les besoins de maintenance, on ajuste la production à la demande, on réduit les consommations d’énergie et de réactifs, et on améliore la traçabilité de la qualité de l’eau. Cette approche “usine intelligente” est un levier majeur pour la performance opérationnelle et la maîtrise des coûts.
Coûts d'investissement et d'exploitation
Les coûts d'investissement ont diminué de 50% en dix ans grâce à la standardisation des équipements, l'amélioration des rendements et la concurrence accrue entre fournisseurs
La réduction de la consommation énergétique impacte directement les coûts d'exploitation. Une installation moderne produit de l'eau dessalée pour 0,5 à 1 euro par mètre cube, contre 2 à 3 euros il y a quinze ans.
Retour sur investissement
Pour une collectivité côtière confrontée au stress hydrique, le retour sur investissement d'une installation de dessalement se situe désormais entre 8 et 12 ans, selon la taille et la configuration.
Dessalement de l’eau de mer : deux illustrations concrètes
Pour illustrer concrètement l’impact du dessalement nouvelle génération, je souhaite partager deux cas emblématiques qui démontrent la viabilité technique, économique et environnementale de ces solutions.
Palma de Majorque : sécuriser l’approvisionnement d’une île touristique
Sur l’île de Majorque, la station de dessalement de Bahia de Palma, exploitée depuis 1999, produit chaque jour 64 800 m³ d’eau potable grâce à neuf lignes d’osmose inverse. Cette installation stratégique a permis de garantir l’approvisionnement en eau de la population locale et des millions de touristes, tout en réduisant la pression sur les nappes phréatiques. La digitalisation du pilotage a permis d’optimiser la consommation énergétique et de réduire les coûts d’exploitation de 15 % en cinq ans.
Oman : performance et sobriété énergétique avec le Barrel™
À Sur, dans le Sultanat d’Oman, l’intégration du Barrel™ a permis de produire 5 000 m³/jour avec une réduction de 3 % du coût global de l’usine et une économie d’énergie de 1,5 %. L’empreinte au sol a été réduite de 25 %, facilitant l’intégration dans un environnement contraint. Les données collectées en temps réel permettent d’anticiper les opérations de maintenance et d’optimiser la durée de vie des membranes.
Autre singularité du site : l’installation d’une centrale solaire d’une capacité de 17 mégawatts-crête (MWc), avec au total 32 000 panneaux photovoltaïques qui alimentent l’usine de dessalement.
« Le dessalement est devenu indispensable au Moyen-Orient. Notre défi est de le rendre toujours plus efficient et respectueux de l'environnement . »

Comment réussir son projet de dessalement ?
Mon plan d’action en 10 étapes
- Analyse du contexte local : évaluation du stress hydrique, des besoins actuels et futurs, et des alternatives existantes.
- Concertation avec les parties prenantes : implication des élus, usagers, associations et acteurs économiques pour garantir l’acceptabilité sociale.
- Étude de faisabilité technique et environnementale : choix de la technologie la plus adaptée (osmose inverse, distillation, modularité), analyse des impacts sur la biodiversité.
- Modélisation des coûts et du financement : estimation des investissements, des coûts d’exploitation et des économies potentielles (réduction des pertes, valorisation des sous-produits).
- Recherche de financements et montage du dossier : mobilisation des dispositifs nationaux, européens, internationaux et privés, élaboration d’un business plan robuste.
- Conception détaillée et choix des équipements : intégration des innovations (Barrel™, digitalisation, récupération d’énergie), optimisation de l’empreinte au sol.
- Obtention des autorisations réglementaires : respect des normes locales, européennes et internationales, gestion des rejets et suivi environnemental.
- Réalisation des travaux et mise en service : pilotage du chantier, formation des équipes, tests de performance.
- Supervision et optimisation en temps réel : déploiement de plateformes digitales, maintenance prédictive, ajustement des paramètres de fonctionnement.
- Communication et pédagogie auprès des usagers : transparence sur la qualité de l’eau, valorisation des bénéfices environnementaux et économiques, accompagnement au changement.
Vers une sécurité hydrique durable
Le dessalement moderne s'inscrit parfaitement dans une approche de développement durable. Il offre :
Une sécurité d'approvisionnement indépendante des aléas climatiques
Une qualité d'eau constante répondant aux normes les plus strictes
Une flexibilité d'adaptation aux besoins évolutifs
Un impact environnemental maîtrisé grâce aux innovations technologiques
Pour les territoires confrontés au stress hydrique, cette technologie représente une opportunité de transformer une contrainte en avantage compétitif. Elle permet de sécuriser le développement économique tout en préservant les ressources naturelles.
Le dessalement 2.0 n'est plus l'apanage des pays du Golfe. Il devient une solution pertinente pour toutes les collectivités côtières soucieuses de leur sécurité hydrique. Les innovations technologiques ont levé les freins historiques, ouvrant la voie à un déploiement plus large et plus durable.
Vous souhaitez évaluer le potentiel du dessalement pour votre territoire ? Vous cherchez à sécuriser votre approvisionnement en eau face aux défis climatiques ? Contactez nos experts pour une étude personnalisée de vos besoins.
Arnaud Valleteau de Moulliac
Directeur général ingénierie et grands projets pour les activités de technologies de l’eau
À compter du 1er juillet 2025, Arnaud Valleteau de Moulliac prend les fonctions de Directeur Général Ingénierie et Grands Projets des activités de technologies de l'eau de Veolia et rejoint le Comité de direction de Veolia.

Cet article contient du texte généré partiellement avec l’assistance de l’intelligence artificielle générative, sur la base de connaissances du Groupe. Son contenu a été relu et validé par l’expert.