De la poubelle au mégawatt : la valorisation énergétique des déchets au service de la souveraineté énergétique

Temps de lecture 10 min. #énergie #ville #collectivité #industriel #gestionnaire de bâtiment

Eric Trodoux Directeur recyclage & valorisation Déchets solides, Veolia

 

Eric Trodoux
Directeur recyclage & valorisation Déchets solides, au sein de la Direction du Soutien aux Métiers et de la Performance, Veolia

Face à l’urgence climatique, aux tensions sur l’approvisionnement énergétique et à la hausse des prix de l’énergie, j’ai souvent constaté que collectivités et industries se tournent massivement vers le solaire ou l’éolien. Il existe également un gisement énergétique local, stable, maîtrisé sur le long-terme mais souvent sous-exploité : nos propres déchets. La valorisation énergétique des déchets, loin d’être une simple gestion de résidus, s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique de souveraineté énergétique locale. Les différentes voies de valorisation énergétique ajoutent à ce qui n’était autrefois qu’un coût une véritable ressource énergétique disponible 24h/24, non intermittente, et dont les quantités sont prévisibles.

Pour vous, élus, responsables de sites industriels ou gestionnaires de bâtiments, la question n’est plus seulement de réduire votre dépendance aux énergies fossiles ou de diminuer les émissions de CO2, mais de saisir l’opportunité d’une énergie bas carbone, produite localement, où chaque déchet devient une ressource. Du biogaz issu de déchets organiques aux combustibles solides de récupération (CSR), en passant par la biomasse, les filières de valorisation énergétique offrent aujourd'hui des réponses concrètes aux enjeux de décarbonation et de résilience des territoires et des industries.

C’est dans cette perspective que je vous propose de découvrir comment la valorisation énergétique des déchets peut devenir l’atout inattendu de votre transition bas-carbone.

Site de traitement de déchets industriels Ecocycle en Corée du Sud à Yeoju

L’essentiel à retenir

  • La valorisation énergétique des déchets offre une source d’énergie locale, stable et prévisible, complémentaire aux énergies renouvelables intermittentes.
  • Plusieurs solutions existent, en fonction des gisements – biomasse, boues d’épuration, déchets non recyclables…– et des besoins des collectivités, industriels et gestionnaires de bâtiments : production de biogaz, de biométhane, incinération avec cogénération, combustibles solides de récupération (CSR).
  • Les bénéfices sont multiples : réduction de 50 à 70% des émissions de CO2 par rapport aux énergies fossiles, diminution des coûts de gestion des déchets, création de revenus,maintien d’un bassin industriel local et moindre volatilité des prix pour le consommateur final.
  • Le cadre réglementaire et les mécanismes de financement soutiennent activement ces projets dans le cadre de la transition énergétique européenne et nationale.
  • Les retours d’expérience en France et à l’international démontrent l’efficacité de ces solutions et leur viabilité économique pour sécuriser l’approvisionnement énergétique et accélérer la décarbonation.

Découvrez dans cet article comment transformer vos déchets en ressource stratégique et amorcer une transition énergétique durable et compétitive.

Les déchets, un gisement énergétique stratégique sous-exploité 

La question de la souveraineté énergétique s’impose aujourd’hui comme un enjeu central pour les territoires et les industries. Je rencontre régulièrement des responsables de collectivités et d'industries qui investissent des millions dans les énergies renouvelables tout en payant pour éliminer leurs déchets. Cette contradiction révèle une méconnaissance d'un principe fondamental : chaque tonne de déchets, ou presque, représente un potentiel énergétique mesurable et valorisable.

Face à la volatilité des marchés de l’énergie et à la nécessité de réduire l’empreinte carbone, il devient crucial de s’appuyer sur des ressources locales, maîtrisées et prévisibles. C’est là que la valorisation énergétique des déchets prend tout son sens. Et contrairement aux idées reçues, les déchets ne sont plus uniquement un poste de dépense ou une contrainte réglementaire.

La valorisation énergétique des déchets désigne l'ensemble des procédés permettant de récupérer et d'utiliser l'énergie contenue dans les déchets, qu'ils soient ménagers, agricoles ou industriels, et de la transformer en électricité, chaleur ou combustible. Les technologies varient selon la nature des déchets : incinération avec récupération d'énergie pour les déchets non recyclables, méthanisation pour les biodéchets, ou encore production de CSR pour les fractions combustibles.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • En 2022, 44 millions de MWh d’énergie ont été produits à partir des déchets par Veolia, permettant d’éviter l’émission de 14 millions de tonnes de CO2 pour ses clients.
     
  • Une unité de valorisation énergétique traitant 100 000 tonnes de déchets par an peut produire suffisamment d'électricité pour alimenter 15 000 foyers et de chaleur pour chauffer 20 000 logements.
     
  • Pour une industrie agroalimentaire, la méthanisation de ses effluents organiques peut couvrir jusqu'à 80% de ses besoins énergétiques.
Unité de valorisation énergétique des déchets de Toulouse en France

Valorisation énergétique : des solutions innovantes et éprouvées

Pour répondre à la diversité des flux et des besoins, plusieurs solutions de valorisation énergétique des déchets sont aujourd’hui déployées.

La valorisation de la biomasse et des déchets organiques constitue souvent le point d'entrée le plus accessible. Cela permet de transformer les déchets organiques en énergie renouvelable, sous forme de chaleur ou d’électricité.

Autre source d’énergie elle aussi prévisible, le biogaz. Ce gaz combustible, composé principalement de méthane (50% à 60%) et de dioxyde de carbone, est produit soit par : 

  • la fermentation de matières organiques issues des déchets ou des boues d’épuration - on parle alors de méthanisation ou de digestion anaérobie -, 

  • l’enfouissement des déchets des installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND). 

Le biogaz capté est alors valorisé et transformé en électricité ou chaleur pour les réseaux de chaleur urbains. Le biogaz peut également être épuré pour devenir du biométhane, qui peut être utilisé comme biocarburant ou injecté dans le réseau public de distribution de gaz.

L’incinération des déchets produit une énergie qui est alors valorisée : 

  • la chaleur est captée par les tubes d’eau qui équipent les parois de la chaudière ;
  • l’eau ainsi chauffée est transformée en vapeur à haute pression dans un ballon ;
  • cette vapeur est envoyée vers une unité de cogénération et entraîne la rotation d’une turbine qui, couplée à un alternateur, produit de l’électricité.

La cogénération permet donc à la fois de produire de l’électricité et d’exploiter la chaleur résiduelle issue de l’incinération des déchets, à un niveau de pression plus faible, pour alimenter des réseaux de chaleur industriels et urbains

Enfin, les combustibles solides de récupération (CSR) représentent une innovation majeure pour les déchets non recyclables. Nous transformons plastiques, textiles et bois en combustible à haut pouvoir calorifique, substitut direct du charbon ou du gaz dans les cimenteries et les chaufferies industrielles. Cette solution détourne les déchets de l'enfouissement tout en décarbonant les process industriels. Elle permet d’atteindre un rendement de valorisation très élevé puisque les CSR ne sont utilisés que lorsque la demande d’énergie est effective, à l’inverse des incinérateurs qui doivent éliminer les volumes qui leur sont livrés quelle que soit la demande de chaleur ou d’électricité du moment.

Chaque solution est adaptée à la réalité du territoire. Ces dispositifs s’appuient sur des technologies éprouvées et des innovations telles que la capture et la valorisation du CO2 (CCUS), permettant d’aller encore plus loin dans la décarbonation.

C’est au Mans par exemple que Veolia vient de lancer un programme inédit de capture et valorisation carbone au sein de l’unité de valorisation énergétique (UVE) des déchets de la ville : le CO2 servira en tant que nouvelle ressource pour l'agriculture ou l’industrie locale, ou sera transformé en carburant durable. L’ambition : capter jusqu’à 10 tonnes de CO2 par jour, avec un taux de capture de 90%.

En misant sur la valorisation énergétique, les collectivités et les entreprises s’engagent dans une démarche de performance écologique et économique, tout en répondant aux exigences réglementaires et sociétales.

 

Viabilité économique et cadre réglementaire

Un contexte favorable pour la valorisation énergétique des déchets

La question du financement revient systématiquement dans mes échanges avec les décideurs. La bonne nouvelle : le modèle économique de la valorisation énergétique est aujourd'hui mature et attractif. La valorisation énergétique des déchets s’inscrit dans un modèle économique vertueux, où la production d’énergie locale permet de réduire les coûts d’approvisionnement et de sécuriser les budgets face à la volatilité des prix. 

Pour une collectivité, investir dans un centre de valorisation énergétique génère plusieurs sources de revenus : vente d'électricité, vente de chaleur via un réseau urbain, et réduction drastique des coûts d'enfouissement (qui atteignent désormais 65€/tonne avec la TGAP). Le retour sur investissement se situe généralement entre 10 et 15 ans, avec des durées d'exploitation de 25 à 30 ans.

Pour une industrie, la méthanisation ou la production de CSR réduit le  coût (traitement des déchets) et permet une économie (réduction de la facture énergétique). J'ai ainsi accompagné des sites industriels qui ont réduit leur facture énergétique de 30 à 40% grâce à la valorisation de leurs résidus organiques.

Le cadre réglementaire européen et français soutient activement ces projets et fixe des objectifs ambitieux : réduction de 50 % de l’enfouissement d’ici 2025, limitation à 10 % des déchets mis en décharge en 2035, et neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces obligations poussent les acteurs à privilégier la valorisation, notamment énergétique, qui répond à la fois aux enjeux environnementaux, économiques et de souveraineté énergétique.

En France, la loi AGEC impose la généralisation du tri à la source des biodéchets depuis 2024, créant un gisement massif pour la méthanisation. Les mécanismes de soutien incluent les tarifs d'achat garantis pour le biogaz, les certificats d'économie d'énergie, et les subventions de l'ADEME pour les études de faisabilité et les investissements.

La Taxonomie européenne classe désormais certaines technologies de valorisation énergétique comme activités durables, facilitant l'accès aux financements verts. Cette reconnaissance institutionnelle change la donne pour les porteurs de projets.

Des références concrètes en France et à l’international

Les retours d’expérience démontrent l’efficacité et la pertinence de la valorisation énergétique des déchets.

  • De l’écologie industrielle dans l’est de la France

Dans la région Grand Est, le projet Dombasle Énergie, mené en partenariat avec Solvay, illustre parfaitement cette dynamique de valorisation énergétique avec le remplacement des chaudières à charbon par une chaufferie équipée de deux fours fonctionnant à base de combustibles solides de récupération (CSR) pour la production d’énergie de l’usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe. Cette installation aura une capacité de 181 mégawatts (MW) thermiques et 17,5 MW électriques, une énergie circulaire utilisée dans le processus industriel. Résultat : réduction de l’empreinte environnementale du site (diminution des émissions de CO2 d’environ 50 % en remplaçant 200 000 tonnes de charbon importés par des combustibles issus de déchets non dangereux, le projet permettra d’éviter l’émission de 240 000 tonnes de CO2 par an.

  • Valoriser la matière des déchets à Hong-Kong

Hong Kong produit près de 3 millions de mètres cubes/jour d’effluents, dont l’épuration génère 1 200 tonnes de boues d’épuration. D’ici à 2030, ce volume atteindra 2 000 tonnes/jour. Face à cette production massive et croissante des boues d’épuration, est née T • PARK, la plus vaste usine de traitement des boues d’épuration au monde. 
- La technologie d’incinération à lit fluidisé permet de réduire de 90 % la production de déchets et de n’en envoyer en décharge que les 10% restants.
- T • PARK permet de détourner 90 % des boues d’épuration de Hong Kong de l’enfouissement. L’usine fonctionne grâce à l’énergie thermique produite pendant l’incinération des boues, une énergie ensuite récupérée puis convertie en électricité.
- T • PARK est autonome à 100 % en énergie grâce à ses deux turbines de 14 MW qui fonctionnent à l’aide de la vapeur produite lors de l’incinération des boues. Lorsque l’usine fonctionne à pleine capacité, elle produit près de 2 MW d’électricité excédentaires qui sont réinjectés dans le réseau public.

  • Valoriser des déchets non recyclables en énergie renouvelable en France

En Seine-et-Marne, le Val’Pôle de Claye-Souilly est l’une des plus grandes unités de production de biométhane à partir de déchets en France. Produit par la dégradation de la matière organique des déchets non recyclables stockés sur le site et ensuite épuré, le biogaz, devenu biométhane, est injecté dans le réseau de gaz exploité par GRDF pour alimenter foyers et entreprises du département.

 

  • Transformer les déchets de l’industrie agroalimentaire en Australie

Implanté sur un ancien site minier reconverti à une cinquantaine de kilomètres de Canberra, notre installation australienne Woodlawn Eco Precinct de 6 000 hectares est un vrai modèle d’économie circulaire territoriale, entre gestion des déchets, production d’énergie renouvelable et agriculture durable. Le site intègre plusieurs installations de valorisation des déchets et de production d'énergie renouvelable : il comprend notamment un bioréacteur produisant du biogaz transformé en électricité et chaleur vertes, ainsi qu'une ferme éolienne générant 48,3 mégawatts et une ferme solaire produisant 2,5 mégawatts d'énergie propre par an. Le complexe inclut également des activités agricoles durables, de l'aquaculture produisant 3 600 kg de poissons annuellement destinés aux restaurants de Canberra, et une unité de traitement mécanique et biologique pour produire du compost. 
Une installation de valorisation énergétique des déchets sera à terme capable d’éviter à des centaines de milliers de tonnes de déchets la mise en décharge.

  • Des centrales électriques alimentées par le biogaz au Brésil

Au Brésil, dans les Etats de Sao Paulo, Santa Catarina et Alagoas, des centrales électriques sont alimentées par du biogaz, produit par la décomposition des déchets organiques de sept de nos centres de valorisation des déchets. Elles permettent de couvrir les besoins en électricité et en chauffage d’une ville d’environ 56 000 habitants.

Ces exemples montrent que la valorisation énergétique n’est pas une utopie, mais une réalité opérationnelle, duplicable et créatrice de valeur pour les territoires et les industries.

Saisir l’opportunité de la valorisation énergétique pour accélérer la transition bas-carbone

La valorisation énergétique des déchets n'est plus une option marginale mais un pilier de la transition énergétique territoriale et industrielle. En transformant vos déchets en énergie locale, vous réduisez simultanément votre empreinte carbone, vos coûts opérationnels et votre dépendance aux énergies fossiles importées. En faisant le choix d’une transition bas-carbone ambitieuse, compétitive et résiliente, vous contribuez concrètement aux objectifs de décarbonation tout en créant de la valeur économique.

Les technologies sont matures, les solutions existantes sont innovantes et éprouvées, le cadre réglementaire est favorable, les modèles économiques sont éprouvés. La question n'est plus "pourquoi" mais "comment" et "quand". La valorisation énergétique des déchets vous permet de renforcer votre souveraineté énergétique, de réduire vos émissions de CO2 et de sécuriser votre approvisionnement.

Je suis convaincu que les territoires et les industries qui intégreront rapidement la valorisation énergétique dans leur stratégie disposeront d'un avantage compétitif décisif : une énergie locale, stable, décarbonée et économiquement attractive. Les exemples concrets en France et à l’international prouvent que cette démarche est à la fois réaliste et porteuse de valeur. 

N’attendez plus pour amorcer votre transformation et faire de vos déchets l’atout inattendu de votre stratégie énergétique.

Eric Trodoux
Directeur recyclage & valorisation Déchets solides

Eric Trodoux est directeur du recyclage et de la valorisation des déchets solides au sein de la direction du soutien aux métiers et de la performance de Veolia. Eric a plus de 30 ans d'expérience dans des postes de direction internationale dans les domaines des déchets, du recyclage, de l'énergie et de l'économie circulaire à travers le monde.

Eric Trodoux Directeur recyclage & valorisation Déchets solides, Veolia

Cet article contient du texte généré partiellement avec l’assistance de l’intelligence artificielle générative, sur la base de connaissances du Groupe. Son contenu a été relu et validé par l’expert.

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